1. Contexte et émergence du GEX comme indicateur de marché
La croissance rapide du trading d’options à très court terme a profondément transformé la mécanique du risque.
Chaque jour, plusieurs milliards de dollars de notionnel expirent, et la majorité de ces positions sont gérées par des teneurs de marché opérant en couverture dynamique.
Cette évolution a fait émerger une nouvelle variable structurelle : le Gamma Exposure agrégé, indicateur direct de la sensibilité du marché aux variations de prix.
Le GEX ne mesure pas la direction du marché, mais le régime de réaction des flux de couverture.
Il permet de déterminer si les teneurs de marché absorbent la volatilité (régime stabilisateur) ou, au contraire, s’ils la propagent (régime amplificateur).
2. Définition et fondement conceptuel
Le Gamma Exposure représente la somme pondérée des expositions gamma sur l’ensemble des positions d’options ouvertes, ajustée par leur taille notionnelle.
Il quantifie la variation du delta global des teneurs de marché pour une variation marginale du prix du sous-jacent.
- GEX positif (long gamma)
→ Les teneurs de marché vendent lors des hausses et achètent lors des baisses.
Ce comportement stabilise le marché, réduit la volatilité réalisée et renforce les dynamiques de réversion. - GEX négatif (short gamma)
→ Les teneurs de marché achètent lors des hausses et vendent lors des baisses.
Le marché devient procyclique : la volatilité s’amplifie et les mouvements directionnels s’étendent.
La zone de bascule (“Gamma Flip”) correspond au niveau où le GEX global passe de positif à négatif.
Elle marque souvent une transition structurelle du marché, entre stabilité et expansion de volatilité.
3. Le rôle du GEX dans la microstructure du S&P 500
3.1. Dominance du flux d’options sur le cash flow
Le S&P 500 est devenu un marché dominé par les dérivés.
Les volumes d’options dépassent fréquemment ceux du sous-jacent, notamment sur les expirations courtes.
Cette asymétrie crée une dépendance directe entre la liquidité du marché et la position gamma des teneurs de marché.
- Lorsque le GEX est fortement positif, les flux de couverture amortissent les variations.
- Lorsqu’il devient négatif, ces flux alimentent les déséquilibres, augmentant la volatilité réalisée.
Le GEX devient ainsi un indicateur de la qualité de la liquidité structurelle du marché.
3.2. Influence sur la volatilité implicite et réalisée
Le régime de GEX détermine en grande partie la nature de la volatilité dominante :
- En régime long gamma, la couverture contrariante agit comme une force de stabilisation. La volatilité implicite a tendance à s’éroder et la volatilité réalisée reste contenue.
- En régime short gamma, la couverture procyclique génère une expansion de la volatilité. Les IV se recalibrent à la hausse, souvent de manière synchronisée sur plusieurs maturités.
Les desks de volatilité utilisent cette relation pour ajuster leurs expositions convexes et calibrer les stratégies de portage ou de couverture dynamique.
4. Le GEX comme indicateur de régime de marché
Le GEX ne constitue pas un signal d’achat ou de vente, mais une grille de lecture des conditions de marché.
Il définit le cadre dans lequel les stratégies doivent s’exécuter :
- Régime GEX positif : environnement de volatilité contenue, propice aux stratégies neutres, au portage de theta et aux structures compressives.
- Régime GEX négatif : environnement de volatilité expansive, favorable aux stratégies directionnelles, aux expositions convexes et aux positions long volatility.
Historiquement, la plupart des épisodes de stabilité prolongée du S&P 500 coïncident avec un GEX global élevé et positif.
À l’inverse, les phases de déséquilibre — mars 2020, août 2024, avril 2025 — ont toutes été précédées par un régime de GEX durablement négatif.
Le suivi du GEX permet donc d’anticiper non pas le sens du mouvement, mais la nature du risque : réversion contrôlée ou expansion directionnelle.
5. Intégration dans un process de trading d’options professionnel
Dans les desks institutionnels, le GEX est intégré à un ensemble d’indicateurs de structure utilisés pour calibrer les expositions :
- Surface de volatilité : pour identifier les zones de convexité implicite.
- Distribution de l’open interest : pour localiser les zones de densité gamma et les strikes critiques.
- Flux intraday et term structure : pour mesurer la cohérence entre la dynamique du GEX et le comportement du marché lui même.
Cette lecture structurelle permet d’ajuster la taille, la distance des strikes et la tolérance au risque selon le régime de couverture dominant.
Elle constitue un cadre cohérent pour l’allocation du risque volatilité dans les stratégies delta-neutres.
Conclusion
Le Gamma Exposure est aujourd’hui un pilier de l’analyse structurelle du S&P 500.
Il offre une compréhension fine de l’équilibre entre liquidité, volatilité et comportement des teneurs de marché.
Loin d’être un indicateur secondaire, il représente un instrument de lecture systémique qui relie les marchés dérivés à la dynamique du sous-jacent.
Pour les desks de trading d’options, le GEX s’est imposé comme un paramètre incontournable dans la gestion du risque gamma et la construction de stratégies sophistiquées à faible bêta.
Dans un marché dominé par les flux d’options et les ajustements algorithmiques, le GEX constitue désormais l’un des meilleurs indicateurs de stabilité, de structure et de régime de volatilité.




