1. Fondements : RV et IV
Volatilité réalisée (RV)
La volatilité réalisée est une mesure statistique de la dispersion observée sur une période donnée (souvent 10, 20 ou 30 jours).
Elle permet d’identifier :
- les régimes de volatilité récents (compression, expansion, normalisation) ;
- la vitesse des mouvements ;
- la stabilité ou l’instabilité des fluctuations.
Elle constitue un socle de référence pour mesurer le “niveau réel” de variabilité du marché.
Volatilité implicite (IV)
L’IV est extraite des prix des options. Elle traduit :
- les attentes du marché concernant les mouvements futurs ;
- la prime de risque intégrée dans les prix ;
- l’impact des flux d’achat/vente d’options sur le sous-jacent ;
- la réaction du marché aux événements programmés (macro, earnings, décisions politiques).
L’IV n’est pas une prédiction exacte de la future volatilité, mais une estimation pondérée par l’offre, la demande et le risque anticipé.
2. L’écart IV-RV : signification et dynamique de marché
La différence entre IV et RV constitue une lecture directe du positionnement du marché.
IV > RV : anticipation accrue d’incertitude
Lorsque la volatilité implicite dépasse nettement la volatilité réalisée, cela traduit généralement :
- une prime de couverture élevée (notamment sur les puts indexés) ;
- une concentration de risques futurs non encore observés ;
- une hausse de la demande en options due à un environnement incertain ;
- des ajustements défensifs de la part de gestionnaires institutionnels.
Cet écart peut se maintenir longtemps, notamment dans les environnements où les flux structurels (hedging systématique, gestion active de delta) créent une demande constante d’options.
RV > IV : régime de volatilité “en avance”
Lorsque la volatilité réalisée dépasse l’implicite :
- le marché anticipe une normalisation des mouvements ;
- l’IV reflète une réduction du risque perçu malgré des fluctuations encore élevées ;
- des épisodes récents de volatilité peuvent être considérés comme transitoires par les modèles.
Ce décalage apparaît fréquemment après un choc, lorsque l’IV se comprime plus vite que la dynamique de prix.
3. Lecture approfondie via la surface de volatilité
Analyser uniquement un point isolé (un strike ou une maturité) est insuffisant pour comprendre la structure de la volatilité.
La surface de volatilité offre une vision multidimensionnelle, intégrant :
a) Les maturités (Term Structure)
La comparaison entre différentes échéances montre comment le marché positionne son anticipation :
- Les maturités courtes (0DTE à 7DTE) réagissent aux événements immédiats.
- Les maturités intermédiaires (7DTE à 45DTE) capturent les ajustements progressifs du marché.
- Les maturités longues (>60DTE) reflètent des anticipations structurelles du risque global.
Une term structure en backwardation signale généralement un stress, tandis qu’un contango reflète un régime plus stable.
b) Le skew
Le skew permet d’évaluer :
- la demande de protection ;
- la perception d'asymétrie dans les risques ;
- l’inclinaison de la courbe de volatilité selon la moneyness.
Un skew prononcé indique une forte demande sur les options OTM, souvent liée à des flux de hedging ou à des craintes de mouvements brusques.
c) La convexité
La convexité mesure la vitesse de variation de la volatilité selon les strikes.
Elle révèle les zones où le marché intègre des risques de queues de distribution (tail risk), ou au contraire où la distribution est perçue comme plus condensée.
4. Influence des flux de marché et de la microstructure
L’écart entre volatilité implicite et réalisée est largement déterminé par les flux qui structurent la formation des prix sur les marchés d’options.
Les ajustements de couverture réalisés par les gestionnaires, notamment dans les périodes d’incertitude, exercent une pression directe sur certaines zones de la surface de volatilité, modifiant l’IV indépendamment du comportement réel du sous-jacent.
À cela s’ajoute l’effet des modèles systématiques — tels que les volatility control funds, les CTA ou les stratégies risk-parity — dont les réallocations basées sur les régimes de volatilité entraînent des variations de demande pouvant étendre ou réduire temporairement l’écart IV–RV.
Le positionnement des teneurs de marché, combiné aux épisodes de liquidité variable, renforce également ces décalages : lorsqu’un environnement est moins profond, quelques transactions de taille significative suffisent à déplacer fortement l’IV, parfois sans modification équivalente de la volatilité réalisée.
Ainsi, la compréhension du spread IV–RV nécessite d’intégrer non seulement l’analyse statistique mais aussi la dynamique des flux, la structure de liquidité et les comportements de couverture qui influencent la surface de volatilité de manière structurelle.
Conclusion
La relation entre volatilité réalisée et implicite est un outil central pour analyser le comportement du marché des options.
Elle permet de comprendre la cohérence (ou l’écart) entre les mouvements observés et les anticipations futures.
Associée à la lecture de la surface de volatilité et à une gestion disciplinée des sensibilités, cette analyse constitue un cadre robuste pour appréhender les transitions de régime, les périodes de tension, les phases de normalisation et les comportements structurels des primes d’options.
Elle offre ainsi un point de repère essentiel pour évaluer la valorisation de la volatilité et la dynamique sous-jacente du marché.




