Article de blog
24.11.2025

Skew : Mesures Structurées de l’Aversion au Risque

Dans les marchés d’options, la volatilité implicite est l’un des paramètres centraux du pricing. Elle reflète la manière dont le marché évalue l’incertitude future. Contrairement à l’hypothèse du modèle Black-Scholes, cette volatilité n’est pas constante. Elle varie selon les prix d’exercice et les échéances, formant une courbe asymétrique appelée Skew de volatilité. L’analyse du Skew ne se limite pas à un constat académique. C’est un outil pratique, utilisé quotidiennement par les desks institutionnels, les teneurs de marché et les hedge funds spécialisés en volatilité. Il fournit une lecture directe des anticipations collectives et permet d’anticiper des déséquilibres dans la structure des prix.

1. Définition du Skew

Le Skew décrit l’évolution de la volatilité implicite (IV) en fonction du prix d’exercice d’une option donnée.

  • Dans de nombreux cas, notamment sur les indices actions, les Puts OTM présentent une volatilité implicite plus élevée que les options ATM ou ITM. Ce biais s’appelle le Put Skew.
  • Sur d’autres actifs, comme les matières premières, la situation inverse peut se produire avec un Call Skew, où les Calls éloignés sont plus chers en volatilité.
  • Enfin, certains marchés présentent un Volatility Smile, où les extrémités de la courbe affichent une volatilité plus élevée que le centre.

Ces structures ne sont pas anecdotiques : elles traduisent des flux réels de couverture et des anticipations précises sur la distribution future des rendements.

2. Facteurs explicatifs

Le Skew résulte de plusieurs mécanismes interdépendants :

  • Demande institutionnelle de couverture : Les fonds longs sur actions achètent des Puts OTM pour se protéger des chocs baissiers.
  • Asymétrie statistique : Les baisses de marché sont souvent rapides et brutales, tandis que les hausses sont plus progressives.
  • Effet de la couverture dynamique : Les teneurs de marché ajustent leurs expositions delta en permanence, ce qui renforce les pressions sur certaines zones de strikes.
  • Événements anticipés : Résultats d’entreprise, décisions de banques centrales ou tensions géopolitiques créent une demande accrue sur des segments précis de la courbe.

Ainsi, le Skew est une traduction chiffrée des comportements collectifs de protection et de spéculation.

3. Typologies de Skew

Les formes les plus courantes sont :

  • Put Skew (Reverse Skew) : Volatilité plus élevée sur les Puts OTM. Courant sur les indices actions (SPX, NDX).
  • Call Skew (Forward Skew) : Volatilité plus élevée sur les Calls OTM. Typique des marchés de matières premières ou des titres soumis à un risque de squeeze haussier.
  • Volatility Smile : Volatilité plus faible au centre (ATM), plus élevée sur les extrêmes OTM. Fréquent sur le Forex ou sur des actifs présentant une forte incertitude bilatérale.

Ces structures sont directement exploitables en stratégie : par exemple, un Put Skew marqué rend attractives certaines stratégies vendeuses de convexité sur la partie basse de la courbe.

4. Lecture structurée du Skew : les indices SDEX et TDEX

L’analyse du Skew repose souvent sur une observation graphique de la courbe de volatilité implicite. Si cette approche permet de visualiser la déformation de la courbe entre les strikes, elle reste difficile à comparer d’un marché à l’autre ou dans le temps. Pour pallier cette limite, Nations Indexes a introduit deux indicateurs normalisés et exploitables : le SkewDex (SDEX) et le TailDex (TDEX). Ces indices traduisent en chiffres la perception du risque implicite sur deux horizons distincts : celui de la correction probable et celui de la rupture extrême.

Le SDEX mesure la différence de volatilité implicite entre une option at-the-money (ATM) et une option Put située à −1 écart-type du prix spot, toutes deux à 30 jours d’échéance. Il quantifie ainsi la prime de risque payée pour se protéger d’un repli modéré. Un niveau élevé de SDEX indique que les investisseurs acceptent de payer une prime importante pour se couvrir contre un scénario statistiquement normal, ce qui traduit une aversion au risque institutionnelle élevée. Ce signal est particulièrement utile pour détecter les périodes de tension implicite ou les phases de surprotection du marché avant un mouvement de volatilité.

Le TDEX, pour sa part, s’intéresse à la queue extrême de la distribution, à −3 écarts-types du spot. Il mesure le coût implicite d’une couverture contre un événement rare — une baisse extrême du marché — en standardisant le prix d’un Put SPY 30 jours, exprimé en pourcentage du sous-jacent. Contrairement au SDEX, il capture la perception du risque de rupture, c’est-à-dire la probabilité et le coût implicite d’un scénario de type “black swan”. Une hausse du TDEX traduit une demande accrue pour la protection extrême, souvent déclenchée par des tensions de liquidité ou une incertitude systémique. Ce type de signal précède fréquemment les pics de volatilité ou les changements de régime de marché.

En combinant ces deux indicateurs, on obtient une vision complète du positionnement implicite du marché :

  • Le SDEX représente la peur rationnelle, celle des replis attendus ou des corrections techniques.
  • Le TDEX exprime la peur extrême, celle des ruptures violentes et inattendues.

Leur lecture conjointe permet de distinguer un simple épisode de volatilité ordinaire d’un véritable stress systémique latent. Par exemple, un SDEX en hausse sans mouvement du TDEX peut signaler une phase de prudence temporaire, tandis qu’une hausse simultanée des deux indices traduit une demande de couverture généralisée, typique des périodes de tension structurelle.

En intégrant ces mesures au suivi du Skew, le trader dispose d’un cadre quantitatif robuste pour évaluer la structure du risque implicite, ajuster la sélection des strikes et calibrer la gestion de son exposition directionnelle et de convexité. Le SDEX et le TDEX deviennent ainsi des repères complémentaires du VIX, offrant une lecture plus granulaire et plus précise du sentiment de marché.

Conclusion

Le Skew, enrichi des indices SDEX et TDEX, fournit une vision structurée et exploitable de la manière dont les marchés évaluent le risque. Ces outils permettent de dépasser la simple observation graphique pour obtenir une mesure standardisée, comparable et directement intégrable dans la gestion d’un portefeuille d’options.

Pour un professionnel, ils représentent un atout majeur : meilleure lecture des déséquilibres, optimisation des stratégies asymétriques et gestion plus fine de l’exposition aux scénarios extrêmes.

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